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"Les yeux brûlés", un film a double face


Après être resté longtemps dans les tiroirs, le film de Laurent ROTH quitte le trente-cinq millimètres. Ce documentaire-fiction est un montage d’images de différentes guerres, ces images émanent de l’armée française. Parmi les archives conservées au fort d’Evry, le réalisateur Laurent Roth

a choisi d’utiliser des images de la guerre d’Indochine et de la première et la seconde guerre mondiale. Les yeux brûlés montre, en parallèle, le vécu des reporters de l’ECPAD (Etablissement de Communication et de Production Audiovisuelle de la Défense), grâce à l’intervention d’une comédienne, qui de manière ingénue, leur pose des questions.




Le titre : un choix réfléchi


Avant le choix définitif, le film a connu plusieurs titres

Les reporters militaires, témoins de l’Histoire est la formulation de la commande passée par l’armée française auprès de jeunes cinéastes appelés. Laurent Roth propose alors un scénario qui est retenu. Il choisit d’abord d’intituler son film Les soldats de l’image, puis renonce. Ce titre lui parait trop ambigu.



La mort dans les yeux est une deuxième étape dans sa réflexion sur le titre, mais n’est pas encore satisfaisant.

Laurent ROTH finit par choisir les yeux brûlés. Il reste ainsi dans le thème du regard. Ce titre lui paraît plus riche parce qu’il fait référence à la mythologie grecque, et particulièrement au mythe de Méduse. De plus, le titre est un jeu de mots avec l’expression tête brulée, qui désigne un individu exalté, épris d’aventures et de risques. N’est-ce pas aussi ça, un reporter ?



Les deux faces du film


A l’issue de la présentation du film, les avis diffèrent. S’agit-il d’un éloge de la guerre, de sa beauté, de sa grandeur ou, au contraire, s’agit-il d’une dénonciation de ses horreurs et de la folie des hommes ?



Les chants de l’armée française superposés aux images en noir et blanc de canonnades, d’assauts, de fusillades embellissent les scènes de guerre. Les plans sur la fumée, les tirs d’artillerie, de DCA sont choisis pour leur dimension esthétique. Le montage est très travaillé notamment dans la scène où sont juxtaposés plusieurs salves d’obus ou dans celle où la caméra est embarquée dans un avion allemand et montre l’impact des bombes sur le sol.

Le dialogue instauré par l’actrice principale Mireille PERRIER avec les reporters militaires montre l’empathie de Laurent ROTH pour ces soldats de l’image.

Mais les yeux brûlés dénonce aussi la guerre. Les cadavres déchiquetés, les conditions de vie pitoyables des soldats dans les tranchées, la folie qui s’empare de soldats traumatisés, les paysages dévastés par les tirs d’obus…: les horreurs ne sont pas cachées.

Le dialogue avec Mireille Perrier est aussi l’occasion pour les reporters de laisser affleurer les souffrances et les souvenirs douloureux qu’ils portent en eux. Leur métier les a conduits au front, comme des soldats, mais uniquement armés de leur appareil photo ou de leur caméra. Les reporters se réfugient derrière une virilité glorieuse pour, par pudeur, ne pas montrer leur faiblesse et leur sensibilité.


André Lebon et Mireille Perrier – © Adjudant-chef Patrice George



Le jeu des acteurs


Le film repose sur un artifice. Une jeune femme vient à l’aéroport récupérer la cantine d’un reporter. On devine que ce reporter est mort. Elle découvre le contenu de la cantine, des dizaines de photographies de guerre, en compagnie d’autres reporters. Sa mission, son rôle dans le film, est de les interroger en jouant les ingénues. Par sa féminité, sa candeur, elle pousse les reporters dans leurs retranchements. Elle cherche à les déstabiliser et ainsi à mettre à nue leurs sentiments. Ces journalistes représentent la partie réelle du film qui se confronte à la partie fictive, Mireille PERRIER.

Ces hommes sont confortablement installés dans leurs certitudes rassurantes pour ne pas céder à l’angoisse insupportable du doute. La combinaison du réel et du fictif entraine les confessions des reporters. Le meilleur exemple du film reste la confession ambiguë du journaliste de guerre Marc FLAMENT qui a photographié l’agonie du sergent Sentenac. Au début, Marc Flament affirme qu’il est resté seul près de cet homme en train d’agoniser et qu’il a fait son travail de photographe. Cette anecdote était déjà connue mais c’est la première fois, vingt ans après les faits, qu’il révèle qu’il a pleuré « comme un gosse ». Cette anecdote rappelle aussi l’ambiguïté du film. Que penser de l’attitude de Marc Flament face à la mort de cet homme ?




Le propos du film, par son ambiguïté, interroge sur la condition de l’homme.

Autant dire que la commande de l’armée française n’a pas été pleinement respectée par Laurent Roth, le réalisateur. C’est la raison pour laquelle le film est resté méconnu si longtemps.

Les Photos © Adjudant-chef Patrice George



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